TOPINAMBOUR

Il était une fois… le topinambour

Quand Jacques Cartier s’est arrêté au petit village iroquoien «Stadacona» lors de son deuxième voyage en 1535, à l’endroit où la ville de Québec sera édifiée en 1608, il a vu de vastes champs de culture de maïs, de haricots, de courges et de tabac dont le succès en Europe est bien connu mais aussi une autre plante qui a pris bien plus de temps à se faire une place : le topinambour (Helianthus tuberosus).

C’est plutôt Samuel de Champlain, quelques 70 années plus tard, qui fut le premier à essayer de populariser cette plante. Comparant son goût à celui de l’artichaut, il la fit envoyer en France, où on l’appela au début truffe du Canada.
Le nom sous lequel nous la connaissons topinambour – résulte d’une erreur de longue date. Il vient de la francisation du nom d’une tribu du Brésil, les Tupinambas, dont plusieurs membres furent amenés comme curiosité à Paris en 1613, en même temps que le topinambour commençait à gagner une place dans les potagers de l’époque. Mais les gens crurent que les tubercules envoyés de la Nouvelle-France venaient en fait du Brésil avec la tribu et ils ont commencé à les appeler topinambours. Curieusement, le nom anglais de la plante, Jerusalem artichoke, résulte aussi d’une confusion. Évidemment, le deuxième nom est facile à comprendre, car la racine goûte l’artichaut, mais pourquoi associer le nom Jérusalem à une plante originaire du Nouveau Monde? C’est que la plante s’appelait girasole (tournesol) en Italien, car elle est proche parente avec le tournesol annuel (Helianthus annuus). Un interlocuteur anglais aura pris girasole pour Jérusalem, tout simplement.
Un tournesol tubéreux
Le topinambour produit de hautes tiges (jusqu’à 2,5 m!) aux feuilles vert foncé ovales et pointues, rugueuses au toucher. À l’automne apparaissent, au sommet de la plante, des fleurs jaunes rappelant de petits tournesols. Mais son plus grand attrait se trouve sous le sol : où l’on trouve une profusion de racines enflées, les tubercules. Ils sont plus ou moins fusiformes, arrondis ou allongés, mais pointus à une extrémité. Leur forme est toutefois très irrégulière, souvent bosselée. Il en existe plusieurs cultivars qui peuvent avoir un épiderme jaune, blanc ou rouge, mais tous sont blancs à l’intérieur.
Contrairement à la pomme de terre, avec laquelle on le compare souvent, le topinambour a un goût plus sucré et croquant, un peu comme une châtaigne d’eau. Aussi, il n’est pas constitué d’amidon, mais d’inuline, un glucide intéressant, car les personnes diabétiques peuvent le consommer sans effet négatif.
On a longtemps cru que le topinambour était indigène au Québec mais on sait aujourd’hui qu’il s’agit plutôt de populations plantées à l’origine par les Amérindiens qui avaient rapporté la plante du centre des États-Unis.
Même si Samuel de Champlain avait lui-même fait la promotion de la « truffe du Canada », les colons de la Nouvelle-France n’ont pas mordu à l’hameçon. Ils se méfiaient de cette plante amérindienne. Leur raisonnement paraît bien cruel de nos jours, mais, essentiellement, ils croyaient que, s’ils mangeaient comme les « sauvages », ils risquaient de devenir des sauvages. D’où leur refus d’accepter le topinambour et même, pendant longtemps, le maïs.
En France et ailleurs en Europe, par contre, le topinambour s’est taillé assez rapidement une place dans l’assiette, grâce à l’abondance de la récolte et à sa grande facilité de culture. Pendant la Seconde Guerre mondiale, quand les Allemands ont réquisitionné essentiellement toutes les pommes de terre produites en France, le topinambour a sauvé des millions de personnes de la famine… mais pour bien des Français qui ont vécu la guerre, le topinambour est resté associé avec de mauvais souvenirs et ils répugnent à le manger. La jeune génération n’a plus cette contrainte et son goût assez prononcé de fond d’artichaut l’a remis au goût du jour après des décennies d’absence et c’est largement mérité !
Il était temps de redorer le blason de ce « légume oublié ». Il est nourrissant, riche en minéraux (phosphore et en potassium) et est peu calorique avec 31 calories aux 100 g si on le compare à la pomme de terre (85 calories au 100 g), il est aussi riche en fibres et en vitamines du groupe B et particulièrement la vitamine B3.
Souvent utilisé par dépit en soupe il est cependant très intéressant à cuisiner en écrasé avec des pommes de terres, en jardinière de légumes, en risotto ou tout simplement poêlé.