CHÂTAIGNES

Gaël van der MEIJ

Je m’appelle Gaël van der Meij, j’ai 26 ans et suis paysan en Ardèche depuis 5 ans, plus précisément producteur de châtaignes et éleveur de brebis à Genestelle. Je suis passionné par la castanéiculture de par l’immense valeur patrimoniale de cet arbre et de ces vergers pluri centenaires : c’est le fruit qui a permis de passer les âges en évitant les famines, tout en valorisant des pentes et des sols comme aucune autre forme d’agriculture de pouvait le faire. C’est un héritage à préserver, à remettre en état et à régénérer grâce à la plantation et la greffe de jeunes arbres. Comme le reste de nos paysages agricoles difficiles, typiques des Cévennes, on les a délaissés car trop ardus à travailler pour une bien maigre valeur agronomique. Par passion pour mon Ardèche natale j’ai choisi d’aller à contrecourant de cette pensée et de valoriser à nouveau notre terroir via cette merveilleuse châtaigne et l’élevage ovin. Jusqu’à cette année je récoltais entre 3 et 4 tonnes par an, qui sont utilisées différemment selon leur variété et leur calibre : transformation en sec, transformation en frais, vente en frais au détail, vente en frais au grossiste et même cuisson des marrons chauds sur des évènements de fin d’année. A partir de l’automne 2021 la récolte se fera majoritairement de manière mécanique grâce aux filets et à l’aspirateur, qui permet de récolter davantage de fruits, de valoriser même les plus petits tout en se ménageant d’avantage le corps. Jusqu’ici je faisais quasiment tout manuellement, mais avec une production qui va atteindre une dizaine de tonnes, ce n’est plus envisageable. Après la récolte je transforme les fruits en différents produits : confitures (ou crème de châtaigne), marrons (ou châtaignes) au naturel, purée nature, farine et brises sèches. Mes produits sont élaborés à partir de fruits AOP châtaigne d’Ardèche, récoltés dans ces anciens vergers qui ont vu passer les générations et que j’ai pris soin de remettre en culture après qu’ils aient été abandonnés durant plusieurs décennies. Ces variétés traditionnelles ardéchoises (bouche-rouge, comballe et garinche pour les principales) sont reconnues pour leur rusticité et leur qualité gustative, en opposition aux nouvelles variétés hybridées avec des châtaignes asiatiques.

Jusqu’alors ma production n’était pas encore labellisée AB, car les parcelles sur lesquelles je récoltais jusqu’ici les châtaignes ne m’étaient prêtées qu’à titre gracieux et de manière tout à fait précaire, c’est pourquoi je n’ai jamais fait les démarches de labellisation (avec les 3 ans de conversion obligatoire). Mais la situation a changé en 2021 avec la location de châtaigneraies déjà en bio, qui me permettent maintenant d’afficher la mention AB. Cela ne change rien pour moi dans mes pratiques, car ce sont des vieux vergers dans des pentes non mécanisables, peuplés d’arbres toujours centenaires et souvent pluri-centenaires, et qu’il serait tout à fait impossible (ou tout à fait déraisonnable) de traiter de quelque manière que ce soit. Ce label permet surtout la reconnaissance d’un travail effectué consciencieusement et la confiance dans un produit sain pour les consommateurs.

Gaël van der Meij
La ferme du Regain
1918 route de Valgironne
07530 – GENESTELLE

Les nouvelles de Gaël du 18 septembre 2023

Nous voici déjà en septembre en pleine préparation de la saison de châtaigne avec la pose des filets de récolte sous les arbres, après avoir pris soin de passer la débroussailleuse sur l’ensemble de la surface depuis la mi-août. A Genestelle nous avons eu cette année deux mois assez humide entre mi-mai et mi-juillet, avec des petits orages réguliers qui ont su maintenir une végétation assez verte sur une période plus longue que la plupart de ces dernières années, me permettant de faire des stocks de foin intéressants pour les bêtes et offrant une certaine abondance de nourriture aux brebis sur le premier mois de l’été. Cependant, après un hiver extrêmement sec, ces orages réguliers mais de faible intensité n’ont pas su pénétrer les sols en profondeur pour réalimenter les réserves, et cette eau a été bu en continu par la végétation, provoquant cette impression de luxuriance. Dès lors qu’il s’est arrêté de pleuvoir, cette situation a paradoxalement fini par provoquer, pour les arbres, un stress hydrique plus important que l’année dernière où les pluies avaient été rares chez nous mais toujours très intenses. Ainsi, sur les sols les plus superficiels, bon nombre de châtaigniers ont commencé à défeuiller fin-août, amputant déjà une partie du potentiel de récolte à venir.

Cependant, pour aller sur une note plus positive donnant un peu d’espoir, quelques pluies ont fini par arriver timidement et d’autres sont annoncées ces prochains jours, laissant tout de même espérer une récolte satisfaisante. La date de maturité des fruits est également très importante, les années tardives étant souvent les meilleures, car les fruits ont davantage la possibilité de profiter des pluies de fin septembre en nous offrant des calibres et une production plus importante. Voilà encore les questionnements qui subsistent à l’heure qu’il est, et comme j’ai toujours entendu dire depuis petit, tant qu’elles ne sont pas dans le panier, les châtaignes savent toujours nous surprendre dans un sens comme dans l’autre. Comme je vous en ai déjà parlé ces dernières années, la principale interrogation que l’on a dorénavant et qui permet de définir une bonne année, c’est la qualité sanitaire des fruits. On peut aujourd’hui avoir de très belles années avec des fruits en quantité, mais où l’on en jette plus du tiers comme pour la récolte 2022, avec des conditions climatiques propices au développement des pourritures ; ou bien avoir l’impression d’une moindre récolte mais avec très peu de pertes. Tout est donc encore possible à l’heure qu’il est!

Les nouvelles de Gaël du 26 avril 2023

J’espère que ce début d’année s’est bien passé pour tout le monde. Pour moi ça va, j’ai pu prendre quelques jours de « repos » autour de Noël avant d’attaquer une nouvelle année, je l’espère pleine de bonnes surprises !  Vu que je suis toujours en phase d’installation, le début d’année est principalement occupé par des travaux liés à l’élevage : cette année le réaménagement d’une très vieille bergerie pour la rendre plus agréable et fonctionnelle pour le troupeau et moi-même, mais aussi la poursuite du débroussaillage des parcelles abandonnées afin de retrouver des pâturages productifs tels qu’ils étaient il y a plusieurs décennies ; puis la réalisation de piquets en châtaigniers pour continuer de clôturer l’ensemble du parcellaire afin d’augmenter la surface accessible pour les brebis, et surtout les châtaigneraies certes pauvres en terme de production alimentaire pour le troupeau, mais dont le passage permettra je l’espère de limiter le temps de débroussaillage d’avant récolte. Pour le moment la sécheresse hivernale devient printanière et donc tout à fait inquiétante : les sources et cours d’eau ont des niveaux dignes de début Juillet et les prairies ne poussent pas tellement le sol est sec. Avec le peu d’eau annoncé, la menace d’une année très galère se fait de plus en plus présente.

Du côté des châtaigneraies, les arbres commencent doucement à débourrer. C’est la fin de la période de dormance où on peut élaguer les arbres, bien que cette année j’ai fait le choix de ne pas en faire car je n’ai toujours pas fini de débarrasser le bois des 60 arbres taillés l’année dernière (et qui chiffre en plusieurs dizaines de m³ de bois à dégager et de branches à broyer pour produire de l’humus). La deuxième quinzaine d’avril est le moment où la sève remonte ce qui correspond à la période où l’on peut greffer, ce que je m’applique à faire chaque printemps depuis 2020, afin d’essayer de rajeunir les vergers en espérant pouvoir transmettre ce patrimoine aux générations suivantes. La réussite n’est pas toujours au rendez-vous, mais c’est un immense bonheur de voir grandir un arbre que l’on a soi-même greffé, en attendant impatiemment qu’il se mette à fruit !

Cet hiver a aussi été l’occasion d’essayer de nouveaux produits avec les dernières châtaignes que j’avais pu conserver : le velouté de potimarron et châtaigne, ainsi que la purée de pomme et châtaigne. Je me permets donc de vous proposer ces nouvelles réalisations, toujours certifiées AB, avec bien entendu mes châtaignes, mais aussi des potimarrons et des pommes provenant de la plaine d’Aubenas à 15km de chez moi. Mon intention est de vous proposer des recettes à base de châtaigne toujours aussi délicieuses, mais aussi de montrer que ce fruit ne doit pas rester cantonné à une consommation « plaisir » en sucré, mais qu’il peut aussi rentrer dans l’alimentation courante sous ses multiples formes. Ceci sans jamais oublier que ce fruit paysan par excellence avait permis d’atteindre une densité de population tout à fait exceptionnelle dans nos villages au XIXe, de par ses qualités nutritives indéniables : le fameux « arbre à pain ».

Pour entrer dans des considérations moins réjouissantes, j’avais dit lors du lancement de la précédente commande que je ne souhaitais pas augmenter mes tarifs et que je ferai un bilan après la livraison, à tête reposée. Malheureusement le bilan personnel et comptable n’est pas à la hauteur du travail fourni. Cette année au vu une forte augmentation des coûts de transformation (prix du gaz pour l’épluchage, la cuisson et la stérilisation, mais aussi du sucre ou encore du verre et du carton pour l’emballage) mais aussi des coûts de production principalement avec le gasoil ; couplés avec une mauvaise année tant du point de vue de la production (8 tonnes de déchets sur 22 tonnes ramassées au total à cause d’un automne très chaud et humide) que du point de vue de la transformation (encore beaucoup de déchets au tri après épluchage alors que le prix de l’épluchage est calculé sur la quantité apportée, donc un mauvais rendement implique une explosion du coût d’épluchage). La conjoncture générale s’est malheureusement accompagnée d’une mauvaise saison, ce qui a fait exploser le coût de revient des différents produits. J’ai donc décidé pour cette nouvelle commande d’appliquer une augmentation tarifaire qui, je me dois de le préciser, ne couvrira pas intégralement la hausse du coût de revient (qui tourne autour de 20% entre 2021 et 2022). J’ai choisi de ne pas reporter intégralement l’augmentation du coût de revient pour que mes produits restent le plus accessible possible, en ayant bien conscience que cela peut être perçu comme « cher », tout en précisant que mes tarifs restent moins élevés que beaucoup de mes collègues qui vendent ici sur les marchés locaux. Je fais ainsi le pari risqué que la récolte 2023 sera meilleure et permettra de retrouver un coût de production en adéquation avec les nouveaux tarifs : rendez-vous au prochain bilan ! J’espère que les amapiens sauront comprendre cette décision qui n’est pas prise de gaieté de cœur.